1re Partie (1625 - 1913)
Formé le 17 janvier 1625 par le baron de Plessy-Joigny (Angers), le régiment reçoit le drapeau blanc en mai 1636 et devient régiment de Touraine, nom sous lequel il se bat en Italie (Pavie 1655), en Catalogne puis dans les Flandres, sous les ordres du prince de Condé puis du maréchal de Turenne. Il combat dans le Palatinat et se distingue aussi à la première bataille de Fleurus (1er juillet 1690). Le 11 mai 1745, il est à Fontenoy, aux côtés du régiment d'Auvergne, puis guerroie au delà du Rhin. Revenu en France, il est partagé en deux régiments, par l'ordonnance du 26 avril 1775 : Touraine et Savoie-Carignan (du nom de son propriétaire, le prince Eugène de Savoie-Carignan comte de Villefranche). Un détachement de quatre cents hommes de Savoie-Carignan part pour l'Amérique en 1779 ; il participe à la guerre d'Indépendance et revient en France après la paix de Paris (1783).
Il reprend son ancien nom en 1785, du nom de son nouveau propriétaire, le duc d'Angoulême. En 1791, il abandonne son nom pour garder son seul numéro d'ancienneté et devient le 34e. L'année suivante, quittant la Basse-Normandie où il tenait garnison depuis le mois de Mai 1789, il commence les glorieuses campagnes de la Révolution et de l'Empire.
Les 2 bataillons séparés font campagne chacun de leur côté : l'un défend Longwy, l'autre appartient à l'Armée du Nord : prend une part glorieuse à la bataille de Jemmapes (6 Novembre 1792), entre dans Mons le lendemain, puis a Bruxelles peu après. Il est présent aux batailles qui suivent à Nerwinden, à Hondschoote, à Menin et surtout à Wattignies (18 Octobre 1793) qui termine à la frontière du Nord la campagne de 1793.
L'année suivante, le 34e Régiment d'Infanterie disparaît tandis que naît une 34e demi-brigade. Mais avant de disparaître, le 2e bataillon du 34e de ligne a mérité dans un rapport la mention flatteuse :
"Le 2e bataillon du 34e a poussé à l'extrême l'intrépidité. Coupé dans la retraite, il s'est fait jour à coups de fusil".
La 34e demi-brigade est constituée en Avril 1794 au moyen d'un bataillon du 17e Régiment de ligne (ex-Auvergne) et des volontaires du 4e bataillon de la Moselle et du 3e bataillon de la Meuse. Il entre alors dans la composition de l'Armée de Sambre et Meuse et, à ce titre, participe à la bataille du plateau de Lambusart, clef du vaste plateau de Fleurus qu'il occupe après un combat acharné.
La suite des opérations amène la conquête de la Hollande ; la 34e demi-brigade a l'occasion de se distinguer au passage du Waal et dans un combat qui a lieu sur la rive droite de l'Yssel en Décembre 1794.
Le 20 février 1796, les demi-brigades sont réorganisées. A son tour, l'ancienne 34e demi-brigade disparaît et une nouvelle 34e demi-brigade de deuxième formation prend naissance à Laval, le l° Ventose an V (19 Février 1797). Après un court séjour dans l'ouest cette nouvelle 34e demi-brigade est dirigée vers le midi.
Le 2 brumaire an VI (1798), le Caporal Barbary avec un détachement de 7 hommes défend toute une journée la maison commune de Carpentras, attaquée par 500 à 600 insurgés qui voulaient mettre à mort les administrateurs. Il résiste aux offres faites par le chef des révoltés jusqu'à l'arrivée des secours.
Au début de 1799, le régiment reçoit l'ordre de rejoindre l'Armée d'Italie à Savone. Il prend part à la bataille de Novi (15 Août 1799) où fut tué le Général Joubert.
Au lendemain de cette lutte, le chef de brigade écrit dans un rapport : "Sur un effectif de 1.700 hommes, que comportaient les deux bataillons, 460 Hommes et 22 officiers ont été mis hors de combat ; tous les militaires se sont conduits brillamment. Je suis très satisfait de l'exemple qu'ont donné, les officiers et les sous-officiers".
Dans le cours de l'année, la 34e demi-brigade prend encore part aux combats de Mondovi, de Montezemo et à la défense de Coni.
En Octobre 1803, la 34e demi-brigade, alors à Mayence, est renforcée de la 80e demi-brigade et reprend son ancienne appellation de régiment.
Au camp de BOULOGNE, le 34e Régiment d'Infanterie entre dans la composition de la Division Suchet du corps d'armée Lannes. Il participe alors à la glorieuse épopée. À Austerlitz, le 2 décembre 1805, il perd deux officiers et 47 soldats tués, 15 officiers et 178 soldats blessés.
Au combat de Saalfeld (10 Octobre 1806) le sergent Ferret du régiment, posté dans un chemin creux avec une quarantaine de jeunes recrues, les voit impressionnées par la canonnade de 1'artillerie prussienne ; il monte sur le talus, se dresse à découvert sur un tertre exposé aux feux ennemis, y reste au milieu de la mitraille et rassure ainsi ses soldats.
Quelques jours plus tard, le régiment prend part à ta bataille d'Iéna où il paye chèrement la part de gloire qui lui revient : 4 officiers et 117 hommes tués, 20 officiers et 563 hommes blessés. Le 34e Régiment d'Infanterie s'empare de 15 pièces de canon et fait plus de 400 prisonniers.
Puis, c'est la campagne de Pologne. Au combat de Pultusk (le 26 décembre 1806), le capitaine Templier chargé de la garde du drapeau est attaqué et enveloppé par les Russes au milieu d'un bois très épais, avec quelques hommes seulement qu'il a près de lui. Il parvient néanmoins à se frayer un passage au travers des ennemis et à rejoindre son bataillon en ramenant le drapeau qu'il a sauvé.
À la suite de la capitulation de Baylen (22 juillet 1808), le 34e quitte l'Allemagne pour l'Espagne. Il participe à la prise de Sarragosse (27 juillet 1809), aux combats de l'Arzobispo, Ocana, au siège de Badajoz, aux combats de Gebora, Arroyo-Del-Molinos (1811), à la défense du château de Burgos (septembre-octobre 1812).
L'heure du revers sonne à son tour. Le 34e de ligne fait partie de l'armée des Pyrénées. A ce titre, il prend part à la défense de Saint-Sebastien, aux combats autour de Bayonne, aux batailles d'Orthez, D'aire Sur L'adour et de Toulouse (10 avril 1804).
Pendant la Première Restauration, il occupe les garnisons de Givet et de Soissons. Durant les Cents Jours, il entre dans la composition de l'Armée du Nord et participa à la bataille victorieuse de Ligny le 16 Juin 1815. Le 18 Juin, jour de la bataille de Waterloo, il est engagé à Wavres où il perd encore plus de 100 hommes et 5 officiers.
Au retour du Roi, le 34e Régiment d'Infanterie est dissous comme tous les régiments d'infanterie pour laisser place à la légion départementale de l'Indre n° 34 (alors numéro du département).
Il est reformé à nouveau à Lille en Octobre 1820, à partir de la légion départementale du Bas-Rhin. il va désormais exister sans discontinuer jusqu'en 1921. A ce titre il a l'occasion de participer à la plupart des guerres et opérations où est engagée l'Armée Française.
Pendant la Campagne d'Espagne de 1823-1828, il est présent au siège de Cadix, à la prise du Trocadero et à celle de Tarifa (19 août 1824).
En 1830, il fait partie du corps expéditionnaire d'Afrique, contribue à la prise D'alger, à l'occupation de Blida et Medea.
S'il ne participe pas à la campagne de Crimée, il joue, en revanche, un rôle glorieux en 1859 dans celle d'Italie, notamment au combat de Melegnano (Marignan) et à la bataille de Solferino (24 juin 1859), ce qui lui vaut d'être décoré par le gouvernement italien de la Médaille d'Or de MILAN.
Puis vient " l'année terrible " (1870). Le 34e fait partie de l'Armée de Chalons et se distingue dans les combats pour l'honneur, à Bazeilles, aux côtés de l'Infanterie de Marine.
Fait prisonnier à Sedan, il réapparaît cependant dans le 34e de marche qui se distingue dans l'Armée de la Loire à Artenay et à Orleans.
Il entre ensuite dans la composition de l'Armée de L'est et prend part à la bataille de Montbeliard (15-17 janvier 1871).
Reconstitué à l'aide de ces anciens éléments en 1871, il est envoyé dans le Sud-Ouest d'abord à Bayonne, puis en 1876 à Mont-de-Marsan, à la caserne Bosquet, construite pour lui par la ville et où il va demeurer jusqu'en 1921. Ce séjour ne l'empêche cependant pas de participer par ses détachements aux campagnes d'Afrique.
Un bataillon, en effet, contribue à la campagne de Tunisie en1881 et reste en Afrique du Nord jusqu'en 1886 et en 1895, le 34e Régiment d'Infanterie fournit encore la 5e compagnie du 200e d'Infanterie, régiment formé en vue de l'expédition de Madagascar.
2e Partie (1914 - 1918)
Le 2 août 1914, le 34e Régiment d'Infanterie (précédant de quelques jours son régiment de Réserve, le 234e RI et le 141e Régiment d'Infanterie Territoriale), qui tient garnison à Mont-de-Marsan, répond à l'appel de mobilisation générale pour inscrire dans son histoire de nouvelles pages de gloire : cultivateurs de la Chalosse, résiniers des Landes, montagnards du Pays basque, paysans Béarnais traversent la ville en défilant, avant de prendre le train, les 6 et 7 août, en direction du nord-est de Toul. Le 15 août, le régiment est pour la première fois au contact de l'ennemi : des éclaireurs montés du régiment mettent en fuite des uhlans à Mandres-aux-Quatre-Tours.
La neutralité belge violée, la grosse masse des armées ennemies déferle sur le nord de la France. Le 34e est transporté en Belgique où il prend position sur la Sambre le 21 août. C'est la bataille de Charleroi. Après avoir tenu les positions occupées, le régiment participe au plan général de retraite, le 23 août. L'effort physique est considérable, sans ravitaillement, sans sommeil, sous un soleil de feu, à travers champs (les routes sont utilisées par l'artillerie et les convois et encombrées par les civils) ; le 34 assure l'arrière-garde de la 36e Division sans faillir. Au cours de la retraite, le régiment participe au combat retardateur de Guise. Les assauts des compagnies, en courant, malgré la fatigue, sont brisés par le feu des mitrailleuses allemandes. La retraite de Belgique se poursuit jusqu'au 5 septembre. Le 6 septembre, le 34, alors à Provins à 70 kilomètres au sud de Paris, reçoit l'ordre de faire demi-tour et d'attaquer les Armées allemandes : c'est la bataille de la Marne. Les premiers revers ennemis décuplent le courage et font oublier la fatigue. Le 11, le régiment traverse la Marne à Château-Thierry ; deux jours après l'Aisne est franchie à Maizy et le contact repris avec l'ennemi sur le Chemin des Dames.
Les 13 et 14 septembre, au prix de grands sacrifices, le régiment s'accroche aux pentes du plateau de Craonne mais ne peut atteindre la ligne de faîte solidement tenue par l'ennemi. Le colonel Capdepont est grièvement blessé à la tête. Le 34 s'installe entre Hurtebise et Craonnelle. Le front est stabilisé, la guerre de position commence.
L'automne et l'hiver permettent d'organiser le terrain, malgré les tirs divers de l'ennemi, mais aussi malgré la pluie, le froid et la boue, tout en repoussant les attaques d'un ennemi agressif, mieux protégé, mieux armé. Le 25 janvier 1915, l'ennemi lance une attaque de grande envergure visant à atteindre l'Aisne pour repousser les Français sur l'autre rive. Pour parvenir à ses fins, les Allemands doivent prendre la ferme d'Hurtebise. Les combats au corps à corps, à la grenade, permettent au 34 de tenir trois jours et deux nuits. Le 34 est cité à l'ordre de l'armée.
Après un court repos, le régiment reprend position dans la même région jusqu'en avril 1916. C'est la vie d'un secteur calme où tous les efforts tendent à aménager les positions. Un coup de main fructueux mené par un sous-lieutenant et un redoublement d'activité dans le secteur pour attirer l'attention ennemie pendant la préparation de l'attaque en Champagne marquent cette longue période ponctuée d'embuscades, de patrouilles et de repos.
Au début de l'année 1916, le Kronprinz prépare l'attaque de Verdun et lorsque Douaumont tombe, le 34 part relever les régiments anéantis dans la défense des forts. En trois jours, 21, 22 et 23 avril 1916, le régiment quitte le secteur le plus calme qu'il ait connu de toute la guerre.
Après un trajet en chemin de fer, puis en camion, le régiment entre dans la bataille le 21 mai. Bois de la Caillette, étang de Vaux, fort de Douaumont, les actions, toutes plus meurtrières les unes que les autres, s'enchaînent au moment où la bataille de Verdun atteint son maximum de violence. Les pertes se comptent par compagnies, bientôt par bataillons… 39 officiers et 1381 gradés et soldats sont hors de combat à l'issue de la bataille, le 26 mai lorsque " les débris du Régiment regagnent Verdun ".
Transporté en train au sud de Sainte-Menehould, le régiment est reconstitué puis repart le 22 juin vers la forêt d'Argonne où il tient divers secteurs jusqu'au 20 septembre. L'instruction, les manœuvres au niveau régiment, division, corps d'armée (aux assauts sans pertes !) mais aussi les revues se succèdent au camp de Mailly. Les soldats du 34 découvrent aussi les troupes russes, très disciplinées mais peu souples et peu vives.
A la fin de l'année, le lieutenant-colonel Meurisse prend le commandement du régiment. Jusqu'au 16 avril 1917, le 34 alterne périodes de repos, d'instruction, de travaux (de fortification de Paris) et d'occupation de secteurs relativement calmes. Cependant le Haut-commandement prépare une offensive générale et bientôt le régiment fait mouvement sur l'Aisne. Arrivé au bois du Moulin-Rouge près de Maizy, les hommes apprennent que les Allemands n'ont pu être repoussés. La bataille de Craonne commence pour le 34 qui monte en ligne dans la nuit du 22 au 23 avril. Un bataillon tient un front de 400 mètres, les autres bataillons sont en réserve et la ligne de front est constituée d'une série de trous d'obus. L'ennemi domine les positions et tout mouvement de jour est impossible. Le 34 réorganise le terrain la nuit pour préparer l'attaque qui doit lui donner possession des plateaux de Craonne et de Californie. Le repos est rendu difficile par les tirs des deux artilleries.
Le 2 mai, l'artillerie entame la préparation. L'artillerie adverse répond. Le 4 mai, la 1ère compagnie s'avance afin d'occuper une base d'assaut favorable. Enfin, le 5 mai, à 9 heures, l'attaque d'ensemble débute : le 34 a conquis les plateaux et commence à dévaler leurs rebords Nord et Est. A 16 heures, l'ennemi déclenche un bombardement suivi d'une contre-attaque difficilement repoussée.
Le 6 mai, à 6 heures 30, l'infanterie allemande contre-attaque : les compagnies sont écrasées sous les bombardements tout en repoussant à la grenade les infiltrations ennemies. Les Territoriaux sont envoyés en première ligne pour colmater les brèches. Puis, à 13 heures, un bataillon du 49e est mis à disposition du chef de corps du 34 pour combler les pertes grandissantes. A 15 heures 30, le lieutenant-colonel Meurisse a rétabli la situation et dans la nuit, à 0 heures 30, le régiment des Landais est relevé. Du 25 avril au 7 mai, les pertes du 34 ont été de 38 officiers (dont 12 tués) et de 1100 gradés et soldats. Le 34, régiment d'élite, est cité à l'Ordre de l'Armée.
Après être revenu tenir le secteur du 5 au 15 juin, le régiment part dans la région de Vesoul où le 5 juillet le général Hirschauer, commandant le XVIIIe Corps d'Armée, lui remet la fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.
Le 1er octobre, le régiment quitte à regret l'Alsace pour occuper divers secteurs et participe à des attaques comme celle de la Galoche où l'abbé Bordes, aumônier du 34, fait preuve d'un courage tranquille et communique sa bonne humeur à la troupe : il est fait chevalier de la Légion d'Honneur. Les quatre mois passés dans cette région désolée de Champagne sont égayés par la création par l'aumônier d'un Foyer du Soldat, avec représentations théâtrales, cinématographe, distribution de chocolat, de vin chaud.
Le 21 mars 1918, les Allemands déclenchent leur grande offensive : nos troupes se replient et le 34 est mis en alerte le 25 et est au contact de l'ennemi le 28 au matin à Assainvilliers. Avances, arrêts, contre-attaques, relèves se succèdent. C'est la reprise de la guerre de mouvement. Le régiment reçoit sa troisième citation à l'ordre de l'Armée pour les combats de Montdidier.
Le 29 mai, le 34 est de nouveau en première ligne où l'un de ses bataillons est au Ployron. L'attaque ennemie veut ouvrir la route de Compiègne pour foncer sur Paris. D'abord submergées, les compagnies du 34 stoppent les assauts allemands et reprennent les positions perdues. Du 9 au 10 juin, les combats de Montdidier ont coûté 18 officiers et 1114 gradés et soldats tués, blessés et disparus.
Le 15 septembre, le 34 est à Vauxaillon face à la position Hindenburg que l'ennemi veut conserver à tout prix. Le 17, les attaques françaises sont sans succès et nos troupes doivent repousser huit contre-attaques. Le lendemain, l'attaque française réussit et dès le 20, la progression vers l'est commence : 16 kilomètres sont couverts jusqu'à Laon en deux jours, une dizaine de villages sont repris.
Les combats du 14 au 19 octobre autour de la Serre valent une quatrième citation à l'Ordre de l'Armée au 34.
Le régiment est relevé et s'installe près de Villers-Cotterets. " Le 11, à 5h55, le radio-télégraphiste Guillot captait le message annonçant la conclusion de l'armistice ; dix minutes plus tard les musiciens à demi-vêtus, faisaient retentir Lagny des échos de la Marseillaise, aussitôt répétée devant le logement du lieutenant-colonel et du maire. La joie était profonde mais goûtée intérieurement : rien ne fut changé au programme prévu pour la journée. "
3e Partie (1918 - 1938)
C'est dans la région de Villers-Cotterets que le 34e a appris l'annonce de l'armistice. Vingt jours plus tard, la nouvelle attendue par tous arrive : le régiment part pour l'Alsace. Ceux qui étaient au régiment en 1917 avaient gardé le meilleur souvenir de cette région. Du 1er décembre 1918 au 15 janvier 1919, le régiment, la plupart du temps sous la pluie, marche de villes en villes vers l'Alsace. Il passe les fêtes de Noël à Noncourt puis s'arrête à Hennezel pour y fêter le nouvel an. L'accueil des populations alsaciennes est très cordial.
Le 15 janvier 1919, à Mulhouse, au cours de la revue de la 36e D.I., le général de Castelnau, commandant le Groupe d'Armées, accompagné du général de Boissoudy, commandant la IIe Armée, remet la fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire au 34e.
Du 17 janvier au 7 mars, le régiment prend la garde au Rhin où il relève le 416e dans le sous-secteur d'Habsheim. Le 12 février, le lieutenant-colonel Meurisse, qui commandait le régiment depuis 28 mois, est appelé pour être mis à la disposition du ministre par le Maréchal commandant en chef. Le colonel Meurisse est appelé à diriger la section technique de l'Infanterie. Sous son commandement, le régiment avait mérité d'être cité trois fois à l'ordre de l'armée, avait obtenu la fourragère verte et rouge puis la fourragère verte et jaune. Du 6 décembre 1916 au 14 février 1919, le 34e avait mérité d'être appelé le Régiment Meurisse.
Le colonel Detroyat, un cavalier, assure le commandement par intérim.
Le 7 mars, le 34e Régiment d'Infanterie quitte la région de Habsheim pour se rendre à Mulhouse. Le 8 mars, le colonel de Valon, ancien chef de corps du 418e, dissous, prend le commandement du 34e. Le service de place est assuré à Mulhouse jusqu'au 15 avril.
Le 15 avril, le 34e reçoit l'ordre de relever le 49e R.I. qui, depuis l'arrivée de la 36e D.I. dans la région de Mulhouse, assurait la garde du Rhin près de la frontière suisse, dans le sous-secteur de Saint-Louis. Le régiment accomplit le trajet Mulhouse-Saint-Louis en deux étapes avec un arrêt dans la région de Sierentz. Le 17 au matin il arrive à Saint-Louis et Wentzwiller où il reste pendant trois semaines.
Le 4 mai, le régiment est relevé par le 6e R.I. et fait mouvement pour Mulhouse du 5 au 9, Thann, Cernay, Massevaux, Saint-Amarin, où il relève le 123e R.I. Dans ce secteur le régiment est occupé à des travaux de récupération du 9 mai au 22 juin.
Le 22 juin, dernière alerte : le 34e est transporté en chemin de fer dans la zone de Bischwiller-Haguenau, prêt à franchir le Rhin. L'annonce de la signature de paix le maintient sur la rive gauche et au bord même du fleuve reconquis. 76 officiers, 2722 sous-officiers et hommes de troupe du 34e n'ont pu connaître ce moment tant attendu.
Le 14 juillet 1919, porté par le lieutenant Soutiras, le drapeau du 34e passe sous l'Arc de triomphe, lors du gigantesque défilé de la Victoire.
Enfin, après quatre ans onze mois et trois semaines d'absence, par trains successifs, le Colonel, le drapeau, la compagnie hors-rang, les trois bataillons débarquent à Mont-de-Marsan, les 25, 26 et 27 juillet.
Le 29 juillet à 14 heures, le 34e fait son entrée solennelle dans sa garnison, accueilli par une foule enthousiaste.
" Sous les arcs de triomphe élevés en son honneur, bien peu ont passé qui ont combattu dans ses rangs ; beaucoup ont disparu à jamais, la Patrie ayant exigé d'eux le sacrifice suprême, d'autres ont déjà été rendus à leurs foyers par la démobilisation. Parmi les anciens toujours présents, après avoir fait toute la campagne au 34e étaient les capitaines Capdepont, Puharré et Jolivet, le lieutenant Massoué, partis en 1914 comme sous-officiers ou soldats.
Des hommes plus jeunes dont la plupart ont fait la guerre dans d'autres corps, déjà dissous, ont comblé des vides. Ce n'est donc pas tout à fait et ce ne pouvait être le 34e de la guerre, qui a traversé sous les fleurs les rues de Mont de Marsan. Mais si les hommes ont changé, l'âme du régiment survit et survivra : elle animera les générations nouvelles auxquelles a été confiée la garde de ce Drapeau, dont la gloire déjà consacrée par les victoires de Fleurus, Austerlitz, Iéna, Solférino, s'est accrue des victoires d'Hurtebise, de Craonne, d'Assainvilliers, de Verneuil, symbolisées par les quatre palmes de sa croix de guerre et dont le souvenir demeurera sacré pour ceux qui l'ont accompagné jusqu'aux bords du Rhin. " (Jean Sourdois, ancien capitaine au 34e).
Le retour à la paix voit les effectifs du 34e diminuer considérablement : les quelques compagnies du régiment ne sont plus composées que d'une quarantaine d'hommes, des soldats issus des colonies d'Afrique complètent les rangs.
Le 34e Régiment d'infanterie est dissous le 29 décembre 1921. Le 18e RI de Pau a désormais la garde des traditions du 34e et des reliques de son musée.
Après les épreuves de la guerre, commence la période du souvenir et des commémorations. Une Amicale des anciens combattants du 34e RI est créée à Bordeaux avec trois sections, à Mont-de-Marsan, Dax et Bayonne. L'abbé Bordes est l'un des principaux animateurs de la section de Dax, organisant regroupements, banquets, spectacles, représentations théâtrales. Les effectifs sont suffisamment importants pour permettre à chaque section d'avoir ses activités propres.
La jeunesse landaise, créée en octobre 1913 par l'abbé Bordes, devient un journal d'action catholique générale mais aussi un journal de liaison des anciens combattants du 34e. De 1914 à 1918, il devient Jeunesse landaise, journal du Front et l'abbé Bordes en est le seul rédacteur. En 1923, le journal, malgré ses dix mille abonnés, doit cesser son existence, l'épiscopat estimant que sa rédaction devait prendre beaucoup trop de temps à l'ancien aumônier du régiment, en réalité parce qu'il est plus populaire que le journal du diocèse.
Au milieu des années 1920, les anciens combattants de la 36e D.I., composée durant la guerre de mobilisés originaires des Landes, des Hautes-Pyrénées et des Pyrénées-Atlantiques, organisent des souscriptions publiques et demandent des subventions aux communes basques, béarnaises, bigourdanes et landaises pour financer la construction d'un mémorial de leur division. En effet, cette division fait figure de division martyre en raison des pertes qu'elle subit dans l'attaque ou la défense de positions difficiles.
Ce mémorial, dit Monument des Basques, est une œuvre surprenante, empreinte d'un fort régionalisme. Forest, l'architecte, et Grange, le sculpteur, sont des anciens combattants, mutilés de guerre qui réalisent une œuvre originale qui se distingue des monuments de l'époque, souvent produits en série. La pierre utilisée provient de Souppes près de Melun et a déjà été employée pour l'Arc de triomphe et le Sacré-Cœur de Montmartre.
A la base d'un obélisque de quatorze mètres, des couronnes de laurier portent le nom des départements d'origine des combattants de la division, surmontées des numéros des régiments et de leur lieu de garnison. Au pied de cette stèle un civil en tenue traditionnelle, d'où aussi le nom donné au monument de la division de Bayonne dite "des Basques", embrasse du regard le théâtre des glorieux faits d'armes de la 36e D.I.
Le monument est inauguré le 30 septembre 1928 en présence de sept généraux et de plus de cinq cents Landais, Basques et Béarnais, anciens combattants, veuves ou orphelins de guerre qui ont fait spécialement le voyage. Les drapeaux des régiments de la 36e D.I. sont présents, dont celui du 34e, ainsi qu'une musique militaire. Une foule importante se masse entre le monument et la tribune d'où le général Paquette, ancien commandant de la division, s'exclame : " Comment ces quelques hommes ont-ils gravi ces pentes escarpées - c'est un mystère auquel les soldats de la garde prussienne n'ont encore rien compris… "
Un défilé, généraux en tête, suivis des anciens combattants, dont quelques aumôniers en soutane, conclut l'inauguration du monument.
Enfin, le 5 juin 1938, les anciens du 34e Régiment d'Infanterie " en pieux hommage rendu à la mémoire de leur beau régiment " inaugurent et posent une plaque sur le mur du bâtiment d'entrée de la caserne Bosquet.
Cette plaque de marbre, ornée de deux dessins du caporal-chef Canguilhem, Cel le Gaucher, ancien poilu du 34, rappelle les noms de batailles du passé, les dates de départ et de retour de la guerre, le nombre des citations acquises, et l'attribution de la fourragère aux couleurs de la Médaille militaire.
Les dessins de Cel le Gaucher, de chaque côté du texte représentent un pioupiou de 1914 et un poilu de 1918. L'erreur sur la date de dissolution (1921 et non 1919) n'est pas le fait de l'artiste.
Mais déjà le ciel européen s'est de nouveau assombri…